2609 WEBINAIRE SO V3

Comment préserver les droits d’auteur sur mes travaux de recherche ?

Dans le prolongement du communiqué de juin, le groupe de travail Science Ouverte a organisé un webinaire pour explorer les mécanismes de cession des droits d’auteurs aux éditeurs et les solutions proposées pour conserver les droits de réexploitation de ses travaux de recherche selon les principes de la cOAlitionS.

Avec la participation de Zoé Ancion, Responsable du pôle Science Ouverte à l’Agence nationale de la recherche, et de Pascale Pauplin, Responsable du département Publications et Open Access de la bibliothèque de Sorbonne Université et Membre de l’Open Research Europe Librarian Advisory Group, cet événement a remporté un franc succès et permis d’apporter des éclairages sur un sujet qui occupe une place centrale dans les activités de recherche de nos universités.

  • Vous trouverez ci-dessous la présentation ainsi que l’enregistrement complet du webinaire, qui vous permettra de revivre cet échange.
  • Sur la base des échanges qui ont suivi cette présentation, nous mettons également à votre disposition une FAQ (Foire Aux Questions).

Nous vous invitons à explorer ces ressources pour approfondir votre compréhension des enjeux de la Science Ouverte et des mécanismes de cession des éditeurs

FAQ

L’embargo est la durée pendant laquelle l’auteur n’aura pas le droit de verser son article (postprint) dans une archive ouverte (HAL par exemple), parce que l’éditeur a précisé cette durée d’embargo dans le contrat d’édition.

Lorsque le contrat d’édition ne prévoit pas d’embargo, l’auteur-chercheur a le droit de déposer son article (postprint) dès le jour de la publication dans la revue. Si le contrat d’édition prévoit un embargo, la loi Pour une République numérique (LPRN de 2016) limite la durée maximum de cet embargo à 6 mois pour les Science-Technique-Médical (STM), et à 12 mois pour les Sciences Humaines et Sociales (SHS). Par exemple, si l’éditeur de la revue a fixé un embargo à 24 mois dans le contrat d’édition, la loi Pour une République numérique reconnaît au chercheur-auteur le droit de déposer son article (postprint) sur HAL dès 6 mois (STM) ou 12 mois (SHS) après publication, alors même que l’éditeur le lui aurait interdit par contrat (qui fixerait la durée d’embargo à 24 mois). Car la loi est supérieure au contrat.

Attention, le postprint qui serait déposé sur HAL sur le fondement de la Loi pour une République numérique, ne doit pas être réutilisé à fins commerciales (à moins que le chercheur-auteur ait exercé la stratégie de non-cession des droits)

 

La loi Pour une République numérique ne concerne que les articles publiés dans des périodiques paraissant une fois par an et pour lesquels l’activité de recherche a été financée au moins à 50% par des fonds publics (État, collectivités territoriales, agences de financement françaises, fonds de l’Union Européenne, etc.). Elle ne s’applique ni aux monographies, ni aux chapitres d’ouvrages collectifs. Ainsi , selon cette loi, un chercheur ou une chercheuse n’a pas le droit de déposer dans HAL son chapitre d’un ouvrage collectif si le contrat (que lui a proposé l’éditeur et que le chercheur ou la chercheuse a signé) le lui interdit.

L’article 30 de la loi Pour une République numérique est consultable sur Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000033202841 

Si le chercheur ou la chercheuse a une obligation de libre accès pour la monographie qu’il publie, il devra négocier avec l’éditeur le libre accès de son postprint ou trouver un éditeur qui publie en libre accès.

Le droit de protection « sui generis » est un droit reconnu dans l’Union européenne (et dans quelques autres pays : La Corée du Sud par exemple) sur les bases de données (sous certaines conditions : seule une base de données ayant nécessité des investissements substantiels dans le tri, la vérification et la mise en forme des contenus de la base, sont couverts par ce droit). La personne qui a produit cette base de données peut alors interdire à toute personne d’en extraire une partie substantielle et ce, pendant 15 ans à compter de sa première exploitation. Si la base de données est mise à jour, cette durée de 15 ans glisse et la durée de protection se prolonge.

Depuis leur version 4.0, les licences Creative Commons (CC) s’appliquent non seulement aux œuvres (protégées par droit d’auteur) mais également aux bases de données qui seraient protégées par ce droit sui generis ; les versions précédentes des licences CC ne s’appliquaient pas au droit sui generis des bases de données.

Oui, les licences à apposer à des publications et les licences à apposer à des données diffèrent.

Les licences Creative Commons (CC) , conçues pour que l’auteur permette l’utilisation de son œuvre, s’appliquent idéalement aux publications puisque ce sont des œuvres. En revanche, pour les données, si elles ne sont pas couvertes par un droit d’auteur (ni par un droit sui generis de base de données), cela n’a aucun sens de les placer sous licence CC.

 

Il existe d’autres licences, adaptées pour ouvrir des données. La réglementation française prévoit expressément que des données, si elles ne sont pas protégées, peuvent être mises sous deux licences : soit la licence Etalab (v2), soit la licence ODbL. Cela dit, en pratique, c’est plus souvent la mention CC0 qui est appliquée. C’est ce qu’exige par exemple le contrat de financement Horizon Europe 21-27 (lequel prévoit, à défaut de la mention CC0, d’appliquer la licence CC BY 4.0 !).

https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence/

https://opendatacommons.org/licenses/odbl/

http://creativecommons.org/about/cc0

Ça dépend du contexte. Il est possible d’appliquer une licence CC-BY-NC dans le cadre d’un financement Horizon Europe et si la publication prend la forme d’un texte long (ex : monographie ; attention, les chapitres d’ouvrages sont assimilés à des articles et ne sont pas considérés comme des textes longs).

« immediate open access is provided to the deposited publication via the repository, under the latest available version of the Creative Commons Attribution International Public Licence (CC BY) or a licence with equivalent rights; for monographs and other long-text formats, the licence may exclude commercial uses and derivative works (e.g. CC BY-NC, CC BY-ND) »

Annoted Grant Programme, Horizon Europe 21-27, V1.0, avril 2023, p. 278 https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/opportunities/docs/2021-2027/common/guidance/aga_en.pdf

Dans le cadre d’un financement ANR,  une licence CC-BY ou équivalente (CC-0, CC-BY-ND ou CC-BY-SA sur justification) est demandée  et recommandée pour les monographies à partir de l’appel à projet générique 2024 :

« Ainsi, toutes les publications scientifiques issues de projets ANR financés dans le cadre de l’appel à projets générique 2024, seront rendues disponibles en libre accès sous la licence Creative Commons CC-BY ou équivalente […]. Par ailleurs, l’ANR recommande que les chapitres d’ouvrage et les ouvrages de recherche évalués par les pairs issus de projets ANR soient également rendus disponibles en accès ouvert sous une licence Creative Commons ou équivalente (la licence CC-BY est recommandée). »

Appel à projets AAPG 2024, V2 31.08.2023, p. 16 : https://anr.fr/fileadmin/aap/2024/aapg-2024-v2.pdf 

Si le financeur recommande ou exige une licence en particulier, elle sera précisée dans le contrat de financement. 

Si l’autrice-chercheuse ou l’auteur-chercheur soumet son article à l’éditeur en lui précisant qu’il est sous licence CC BY 4.0, elle affirme que toute version ultérieure (et notamment le postprint ) de cet article sera utilisable sous licence CC BY 4.0. Juridiquement, l’éditeur n’a pas la main pour changer de licence, puisqu’il arrive chronologiquement après que l’autrice ou l’auteur a placé son article (preprint puis postprint) sous licence.

Oui, l’auteur ou l’autrice doit toujours lire le contrat proposé par l’éditeur, avant de le signer… En revanche, s’il a soumis l’article en précisant que le preprint et les versions suivantes (notamment le postprint) seraient diffusées sous CC BY 4.0, ces conditions posées par l’auteur sont chronologiquement les premières, et s’imposent à l’éditeur, quoiqu’il propose ensuite comme contrat.

En effet, l’éditeur est toujours libre de refuser l’article soumis. L’auteur ou l’autrice est lui-même libre d’accepter ou de refuser les conditions proposées par l’éditeur. En cas de refus, il peut se tourner vers une autre revue, comme une revue diamant (cf. la liste des revues en libre accès sans frais de publication du DOAJ).

Les situations varient d’un éditeur à l’autre.

Un éditeur a annoncé refuser la publication d’articles comportant une licence ouverte sur le manuscrit auteur : il s’agit de l’American Society of Hematology qui publie deux revues en hématologie.

D’autres ont adopté un comportement moins franc et orientent les auteurs vers des revues gold, c’est à dire des revues publiant en libre accès moyennant des frais de publication. C’est le cas de l’éditeur ACS (American Chemical Society). Dernièrement, ce même éditeur a innové : il propose désormais de payer des « article development charges » (ADC) permettant à l’auteur de déposer le postprint sans embargo dans une archive ouverte : l’éditeur annonce des frais forfaitaires de 2500$ (lien), pourtant certaines revues comme ACS ES&T Air ou ACS Sustainable Resource Management affichent des frais allant de 4000$ à 4500$ pour l’option « Accepted Version – no embargo » selon la licence choisie (CC-BY-NC-ND ou CC-BY) (lien).

Deux éditeurs ont adapté leur politique éditoriale afin d’inclure la stratégie de non-cession des droits : c’est le cas des éditeurs Royal Society et Mircrobiology Society.

Enfin, d’autres encore acceptent sans problème le dépôt du manuscrit auteur dans une archive ouverte. Cette liste est consultable sur le site du Journal Checker Tool :  https://journalcheckertool.org/exception-lists/ 

Comme évoqué dans la réponse ci-dessus, les situations sont contrastées d’un éditeur à l’autre.

Le French Rights Retention Strategy Monitor montre que près de 100 publications mentionnant la phrase de la stratégie de non-cesssion des droits dans le corps du manuscrit se trouvent dans HAL.

https://ml4rrieu.github.io/rrs/publications.html

Dans le cas de la publication dans une revue hybride, il est possible de publier en accès « fermé » sans frais de publication. Il faudra alors un abonnement à un lecteur pour consulter l’article. Il est également possible de publier en accès ouvert, avec des frais de publications (APC). A noter que les frais d’APC de revues hybrides ne sont pas une dépense éligible pour les agences de financement de la Coalition S si le chercheur ou la chercheuse y publie en accès ouvert.

Dans le cadre d’accords passés entre certaines institutions (en France, principalement via Couperin) et des éditeurs, les chercheurs relevant de ces institutions peuvent bénéficier de remises APC. Dans ce cas, la déclaration de l’affiliation entraîne un workflow particulier et, après vérification de l’affiliation du chercheur, ce dernier sera dispensé d’APC ou bénéficiera d’une remise. Il est conseillé d’indiquer son adresse institutionnelle afin de faciliter la vérification de l’affiliation. Vous pouvez vous rapprocher de votre bibliothèque ou centre de documentation pour de plus amples informations à ce sujet.

Si la recherche dont rend compte l’article a été financée au moins à 50% sur fonds publics, la loi Pour une République numérique permet (sans obliger) que le chercheur-auteur dépose son article sur HAL, en respectant l’éventuel embargo imposé par l’éditeur américain, mais la loi française fixe un maximum à cet embargo : 6 mois (STM) ou 12 mois (SHS). La loi PRN a précisé que cette faculté ouverte aux chercheurs étaient une règle « d’ordre public » c’est à dire qu’elle s’impose même si un contrat de droit étranger (américain ou autre) s’y oppose. Si plusieurs auteurs ont co-écrit l’article, l’auteur français ne peut déposer l’article sur HAL sans l’accord de ses co-auteurs (et s’ils ne sont pas tenus de respecter le contrat US qui leur interdirait un tel dépôt).

Une Foire aux questions sur la loi Pour une République numérique est consultable sur le site de Couperin : https://scienceouverte.couperin.org/category/faq/

“The Author hereby grants to the Publisher the perpetual, sole and exclusive, worldwide, transferable, sub-licensable and unlimited right to publish, produce, copy, distribute…” .

Ce texte en anglais signifie notamment que « vous cédez votre droit patrimonial d’auteur pour le monde entier, à titre exclusif ». Quand ce contrat de Springer Nature précise que la cession est perpétuelle (c’est-à-dire jusqu’à la fin des temps), c’est juridiquement inefficace : la loi (française, la loi américaine, et la convention internationale de Berne sur le droit d’auteur, que les États-Unis ont signée) prévoient bien qu’une œuvre tombe dans le domaine public à un moment donné. Le contrat (inférieur à la loi américaine, française, internationale) ne peut pas contredire cette loi. La cession est bien faite, certes à titre exclusif, mais pour la durée du droit patrimonial c’est-à-dire jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur : l’article sera ensuite dans le domaine public, quoiqu’en dise ce contrat.

Ce contrat prévoit bien une cession du droit patrimonial d’auteur.

Si un contrat d’édition a été signé (il y a des mois, des années), et que ce contrat prévoit une cession exclusive à l’éditeur (qui interdirait de placer l’article postprint sous licence CC BY), on ne peut pas revenir en arrière pour placer l’article sous une licence CC-BY… à moins de convaincre l’éditeur de modifier le contrat sur ce point. Il est toujours possible de modifier un contrat après coup… si les deux parties sont d’accord pour le modifier.

Dans le cadre de la publication d’un ouvrage ou d’un article, le chercheur dispose de droits, en tant qu’auteur, qu’il est amené à céder de manière exclusive ou non à un éditeur. Dans le cadre de la stratégie de non-cession des droits, l’éditeur conserve donc les droits d’exploitation du PDF éditeur. La question serait donc à reformuler ainsi : « En imaginant que tous les auteurs optent pour des options CC-BY, quel serait alors le modèle économique des revues/éditeurs si elles n’ont plus le monopole de diffusion des publications ? » 

Il y a une différence entre le manuscrit auteur et le PDF éditeur. L’éditeur apporte une plus-value au travail de rédaction du chercheur : corrections typographiques, clarté, mise en page, etc.  qui donnent un confort de lecture.  Ainsi, la stratégie de non-cession des droits porte sur le manuscrit auteur et non sur le PDF éditeur. L’éditeur conserve la possibilité d’exploiter le PDF éditeur.

 

À ce jour, aucune étude n’a montré de manque à gagner de la part des éditeurs à cause des postprints déposés dans les archives ouvertes. Les études existantes portent sur les éditions papier et la version numérique en libre accès chez des Presses universitaires : elles n’ont pas montré d’impact négatif de la version en libre accès sur la version papier, et dans certains cas, la première a pu jouer comme produit d’appel pour la seconde.

À noter également que les éditeurs scientifiques reçoivent des soutiens financiers, comme le Plan de soutien à l’édition scientifique (16.7 millions d’euros) co-porté par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et le Ministère de la Culture.

Le DOAJ propose une liste de revues (7 545 revues indexées à ce jour) qui ne demandent pas d’APC (diamant) et qui permettent aux auteurs de conserver leurs droits :

Lien DOAJ – revues diamant

Et pour aller plus loin : https://journalcheckertool.org/

Vous pouvez également vous référer à l’enquête sur les publications diamants et qui recensent des revues diamants absentes du DOAJ : Kramer, Bianca, & Bosman, Jeroen. (2021). OA Diamond Journals Study. Journals Inventory [Data set]. Zenodo. https://doi.org/10.5281/zenodo.4562828

La loi française (le code de la propriété intellectuelle) reconnaît aux chercheurs la plénitude de l’exercice des droits d’auteur (patrimoniaux et moraux) sur leurs œuvres-publications scientifiques. L’Université (ou l’établissement de recherche) à laquelle est affilié le chercheur, et qui paie ce chercheur, ne détient aucun droit patrimonial sur ces publications et donc, ne peut pas discuter directement avec les éditeurs pour les informer de leur politique institutionnelle… puisque l’auteur-chercheur négocie directement avec l’éditeur. Pour que l’Université puisse en France procéder comme au Royaume-Uni, il faudrait que l’auteur donne à son Université un mandat pour négocier avec l’éditeur en ce sens (un mandat, càd un contrat entre l’auteur-chercheur et l’Université qui l’emploie).

En effet comme l’indique le mémo sur le sujet de la Norwegian University of Science and Technology – NTNU :

“Researchers retain the rights to distribute and use text and other material they have produced themselves. They can also publish freely where they want. At the same time, they can upload and enable open access to full-text versions of their works in repositories. This takes place without risk to 2 of 2 Norwegian University of Science and Technology Date 24 April 2022 Reference the researcher because NTNU assumes legal responsibility. Introducing a Rights Retention Strategy at NTNU makes it possible to provide open access to full-text versions of academic publications in the institutional repository (NTNU Open) without legal risk to the researchers who have authored them, and without the need to inform the publisher about this. Researchers who need to opt out of open access have the right to request exemptions for individual articles” https://www.ntnu.edu/documents/139226/1300699431/Introduction+of+Rights+Retention+Strategy+at+NTNU+from+16.06.2022.pdf/4c7d3ab4-439c-aa36-8da2-8757e85e4364?t=1662715961499

Les chercheurs bénéficient d’une exception au droit d’auteur des agents publics (article L111-1) : il n’y a pas de cession à l’employeur tel que mentionné dans l’article L131-3-1 du Code de la Propriété intellectuelle. Dans ce cadre-là, il n’est donc pas possible de demander à des chercheurs de céder leurs droits à leur institution. 

On ne peut pas obliger des chercheurs à céder leurs droits à leur institution : seuls ceux qui accepteraient une telle cession de leurs droits patrimoniaux sur leurs publications scientifiques, à leur institution, mettraient leur institution en mesure de négocier ensuite directement avec les éditeurs. On pourrait sinon envisager un mandat, donné par les chercheurs qui le veulent bien, à leur institution, de négocier les contrats d’édition à leur place.

Article L131-3-1 : « Dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent de l’État dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’État. »

Article L111-1 : Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s’appliquent pas aux agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n’est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique.

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